Saint-Pétersbourg, 26 mars 2008.
Katerina venait à peine de franchir le pas de la porte de la maison familiale quand elle sentit que quelque chose n'allait pas. Sa mère se tenait au pied de l'escalier, les bras croisés, le regard dure, et pourtant les yeux encore rougis par les larmes. La jeune femme se précipita vers sa mère, prête à la prendre dans les bras, mais elle l'en en empêcha. « Ne me touche pas ! Ton père t'attend dans son bureau … dépêche toi, ne le fais pas attendre, tu en as déjà suffisemment fait ! » Katerina n'avait jamais vu sa mère dans un état pareil, on sentait qu'elle était à la limite de crier tellement elle était énervée, et pourtant elle parlait avec une telle froideur, un tel calme. Au moins elle savait de qui elle tenait ça. Elle baissa la tête, passa devant sa mère et grimpa les escaliers. Katerina sentait le malaise qui pesait dans cette maison. Bien loin de l'ambiance des dernières années, où les rires des enfants emplissaient les lieux. Dans le couloir, elle vit que la porte de la chambre de sa petite sœur n'était pas fermée. Elle vit alors trois têtes qui dépassaient dans l’entrebâillement. Celle du dessus, c'était Elena, de trois ans sa cadette, elles partageaient encore la même chambre, elles avaient toujours été très proches, Katerina était sa confidente, sa meilleure amie, son exemple. En dessous il y avait Sasha, un beau brun aux yeux bleux, à peine douze ans, le seul garçon de la famille, la mascotte de tout le monde. Et la dernière était encore joufflue comme l'enfant de huit ans qu'elle était. Anya. Sa petite princesse à elle. Seule Elena semblait comprendre ce qu'il se passait réellement ce soir là, mais tous les trois avaient un visage triste. Ils étaient désolée pour leur sœur. Leur père n'était pas un tendre, mais cela n'était pas nouveau. Katerina leur rendit un sourire dans l'espoir de les rassurer. La minute d'après elle atteignait le bureau de son père au fond du couloir, elle frappa timidement. « Entre. » La voix était dur et ne laissait la possibilité à aucune contestation de sa part. La jolie russe poussa la porte doucement et la referma derrière elle, après quoi elle s'avança lentement vers le centre de la pièce, mais toujours la tête baissée, elle ne voulait en aucun cas affronter son regard. «Assied toi ... » Elle s'exécuta. Tout en continuant à fuir le regard de son père. «Tu te rends compte de ce que tu as fait ? » « Mais papa je ... » « Il n'y a pas de « mais » ! Et ne t'avise plus de m'appeler de la sorte … Sortir avec un homme de 31 ans ! Il a 13 ans de plus que toi ?! Mais qu'est ce qui t'es passé par la tête ?! Tu as pensé à ta famille, à la honte qui allait s'abattre sur nous ? Non, tu n'as encore pensé qu'à toi ! Qu'à t'amuser, sans penser aux conséquences ! Tu ne mérites plus de faire partie de notre famille ... » Katerina avait relevait la tête, les yeux débordants de larmes, elle suppliait son père du regard. « Tu ne peux pas me faire ça … Je ne jouait pas avec lui, je l'aime vraiment, et il même aussi. Il ne s'agit pas de faire un scandale, on veut fonder une famille, on veut ... » « Tu es bien sotte alors ! Je ne te veux plus ici, le simple fait de poser mes yeux sur toi me dégoûte, prends tes affaires et sors de cette maison ! Tu n'y es plus la bienvenue, et tu ne le seras jamais. Et tant qu'à faire, que je ne te revois jamais, tu m'entends, jamais avec lui ! » La jeune femme aurait pu piquer une crise, crier plus fort que son père, lui imposer sa version, car elle n'avait aucune envie de partir, aucunes envies de tirer un trait sur sa famille, sur ses projets. Mais ça n'était pas dans le caractère de la demoiselle. Elle ravala ses larmes, releva la tête, posa un air de défi sur son père. « Un jour tu comprendras ton erreur, et tu regretteras ce choix … mais il sera trop tard. » Ce qui eut pour effet de le laisser bouche bée. Elle se leva, tête droite, allure des grandes dames, et quitta le bureau sans autre forme de procès.

Beverly Hills, de nos jours.
Voilà maintenant trois ans que Kate a quitté la Russie et tout ce qu'elle connaissait jusqu'alors. La belle ne supportait plus la vie à Saint-Pétersbourg, elle était incapable de vivre dans sa ville, comme si de rien était, alors qu'elle n'habitait plus chez elle, qu'elle n'avait pas le droit de voir sa famille, ou des gens qu'elle côtoyait lorsqu'elle était encore une véritable Alborthov. Elle préféra donc changeait radicalement de vie plutôt que de continuer à faire semblant, à vivre à moitié avec ce qu'on voulait bien lui donner.
Et c'est comme ça qu'elle se retrouva à Beverly Hills, ayant fraîchement dix-huit ans, connaissant à peine quelques mots en anglais. Les premiers temps furent très dur. " Heureusement " pour elle, Kate (car oui, aux États-Unis elle était Kate et non plus Katerina) rencontra d'autres jeunes qui comme elle galérait, ensemble ils se serrèrent les coudes et parvinrent à survivre. La jolie russe n'eut d'autres choix que d'apprendre rapidement les rudiments de la langue. Ils utilisèrent leurs économies pour louer un petit appartement, plus agréable à vivre que le squat dans lequel ils habitaient les premiers mois. Ils étaient cinq. Trois garçons et deux filles. Un des garçons, David, était lui aussi d'origine russe. C'est avec lui que Kate se lia le plus, c'est grâce à lui qu'elle avait pu rejoindre le groupe, c'est grâce à lui si elle pouvait comprendre et se faire comprendre dans cette ville. Il avait su la séduire, elle lui faisait confiance. Kate et l'autre fille, Astrid, trouvèrent rapidement du travail en tant que serveuse, la première dans un café, la seconde dans un bar. Les garçons eux faisaient des petits boulots, les filles ne savaient pas quoi précisément et au fond elle ne voulait pas savoir, l'argent rentrait, et elles leur faisaient confiance. Mais Kate vit rapidement qu'ils n'étaient pas aussi sages qu'il y paraissait. Ça commença avec les clubs de strip-tease dont ils étaient de fervents amateurs. Astrid et Kate suivaient. Après tout, elles étaient jeunes et elles s'amusaient. Et c'est dans ce contexte que Kate approcha à la drogue, sans y toucher. Ce fut d'abord un joint à l'appart pour se détendre. Puis des pilules pendant les soirées, histoire de se marrer un peu. Et enfin les rails de cocaïne dans les toilettes pour passer une soirée inoubliable. Et cela dura plus de deux ans, d'abord de façon plutôt modérée, mais cela arrivait à présent plusieurs fois par semaine. Et Kate ne se posait toujours pas de questions, elle faisait confiance à David, Astrid aussi. L'argent continuait de rentrer, David les fournissait, et aucun d'eux n'avait eu de problèmes jusqu'à présent. Voilà comment un soir, il avait finit par la convaincre d'essayer. Une seule fois Kate y toucha, mais ce fut la fois de trop. Mauvaise cam', pas l'habitude, trop d'alcool avant … Peut-être un peu des trois … Mais cela avait suffit à rendre Kate très malade, et alors que tous les autres été partis regarder les danseuses, elle était restée dans la pièce qu'ils utilisaient généralement pour prendre leurs drogues. La jeune russe était à deux doigts du malaise quand une blonde aux airs angéliques lui vint en aide. Julia la sortit de là. Dans tous les sens du terme. C'était il y cinq mois. Kate n'a jamais remis les pieds dans son ancien appartement, Astrid a bien voulu lui rendre service en lui rapportant ses affaires et en racontant aux garçons ce qui lui était arrivé, espérant les faire culpabiliser, et surtout qu'elle n'ait plus jamais affaire à eux. Elle leur avait fait aveuglement confiance, et elle avait payé pour ça.
Outre ce problème là, Kate continua à travailler au Starbucks, elle se trouva rapidement un nouvel appartement, bien plus petit, mais largement suffisant. Mais elle ne savait plus que faire de sa vie. Et c'est suite aux conseils de Julia, et surtout à une longue discussion avec un charmant inconnu du café que Kate décida de reprendre ses études. A 21 ans, la jeune femme jongle donc entre son boulot de serveuse et sa première année d'études de psychologie à l'université de Los Angeles.