Métro-Boulot-Dodo. A ma sauce, et surtout à la sauce de Beverly Hills, ça donnait Vélo-Café-Boulot-Cinéma-Dodo. Une routine ok, mais une super routine. Ma belle ville de Chicago avait beau me manquer énormément, Beverly Hills m'offrait une panoplie d'activité plus folle les unes que les autres. Les visites de studio, les avant-premières des films, la présence de personnalités du cinéma mondialement connus ... Il n'y avait pas à dire, j'avais vraiment tout pour être heureux ici. Bon d'accord, mes parents me manquaient un peu, mais ils trouvaient toujours une raison pour m'appeler ou me convoquer sur Skype. Et puis il y avait Sarah. Mais Sarah c'était autre chose, et j'essayais de ne pas y penser de toute façon, même si il y avait toujours ici ou là des choses pour me rappeler des crises de fous rires qu'on avait pu avoir, ou des moments qu'on avait passé ensemble. Mais je devais arrêter d'y penser pour de bons. Et les quelques amis que je m'étais fait ici, ainsi que Cécilia - quoi qu'il se passe avec elle - m'aidaient à passer à autre chose. Si je n'avais parlé de Sarah à personne, pas même à Christie ou à Leighton, tout le monde m'aidait à sa façon en me distrayant et en m'aidant à m'intégrer dans cette ville.
Ce matin, et comme tous les matins, j'étais quasiment sûr de retrouver Christie près de la machine à café. C'était ici que tout le monde se retrouvait avant de partir pour les cours ou autre. Avec ma confidente et psychologue personnelle rien qu'à moi, on se réveillait en général autour d'un café long bien corsé pour se réveiller une fois pour toute. Pas de Christie ce matin là pourtant. Elle devait avoir sa matinée, ou bien elle devait déjà être à l'infirmerie. Je me retrouvais donc seul devant la machine à café et totalement dans le pâté. Comme d'habitude, j'étais arrivé beaucoup trop tôt et j'avais encore du tout avant de me rendre dans ma salle de cours. Il n'y avait pas grand monde encore dans la salle des professeurs.
Derrière moi, j'entendais le directeur de l'Université qui faisait visiter. Sans doute un nouveau ou une nouvelle prof. Totalement amorphe, je n'avais même pas le courage de me retourner pour scruter cette nouvelle personne. Jusqu'à ce que j'entende la voix de cette personne. LA voix que j'aurais été capable de reconnaître entre mille et tout en étant sourd d'une oreille. SA voix. Je n'avais aucun foutu idée de ce qu'elle venait faire là, mais elle était là. Je me retournais en trois centièmes de secondes top chrono. Elle était là devant mes yeux. Magnifique, pétillante, comme à son habitude. Elle ne m'avait pas encore vu, enfin je ne crois pas. Je n'arrivais déjà plus à détacher mon regard. Elle finit par tourner la tête vers moi et nos regards se croisèrent pendant un ou deux secondes peut-être. Je ne savais pas à quoi elle pensait à cet instant mais moi, tout se bousculait dans ma tête, toutes les images de "nous" me revenaient par milliers.

HJ : Désolé, c'est court, j'suis pas trop douée pour les débuts, :'D

Sarah finit par faire ce que je rêvais et que je redoutais en même temps : elle poussa la porte de la salle des professeurs et se dirigea vers moi à grandes enjambées. J'avais la sensation que chaun de ses pas durait des heures et des heures. J'avais tellement envie de la voir de plus près, pour voir si elle avait changé, mais aussi et surtout pour revoir ses yeux pleins de joie et de bonheur. Mais d'un autre coté ... j'aurais voulu qu'elle parte en sens inverse, qu'elle s'éloigne le plus possible de moi. J'étais venu ici pour du boulot mais aussi et surtout pour la fuir et pour l'oublier. Elle m'avait fait du mal, tellement de mal, et je ne voulais plus souffrir d'une telle façon. Plus jamais, j'avais sans doute été assez malheureux pour une vie entière. Mais non, elle continua à marcher, à avancer vers moi jusqu'à être assez proche pour être à portée de voix. Elle n'avait pas changé, elle était toujours belle, et elle semblait heureuse et épanouie. Etait-elle toujours avec ... "sa nouvelle fréquentation" ? Je n'en savais trop rien, et je ne connaissais même pas son prénom à celui-là. Elle posa son sac sur une chaise avant d'arriver tout près de moi.

- Salut Gabriel. Ça fait longtemps.

Longtemps ... Presque deux ans oui. Deux ans pendant lesquels je n'avais jamais réussi à faire complètement le deuil de notre couple. Quand je voyais des images de New-York à la télé, je pensais toujours aux week-ends que j'avais passé là-bas avec elle. Quand je trouvais mon tee-shirt "I love Mexico", je pensais toujours à notre deuxième été ensemble passé dans la capitale mexicaine. Sarah allait apparemment rester dans les environs puisqu'elle introduit une pièce dans la fente de la machine à café. Je ne savais pas quoi lui dire. Est-ce que demandait "Comment tu vas ?" à la fille qu'on avait demandé en mariage et qui nous avait repoussé ? Peut-être pas après. Ou peut-être que oui, c'était la politesse après tout. Je relevais la tête vers elle avec un sourire à peine dissimulé. Même si cela me faisait mal de la revoir, j'avais été très amoureux d'elle, je l'étais peut-être encore un peu, et je ne pouvais nier que la revoir me faisait extremement plaisir.

- Sarah ... Oui ça fait un moment.

Je baissais les yeux vers mon café que je touillais non-stop depuis à peu près deux minutes trente. Comme s'il restait encore du sucre au fond. Le stress, la joie, je n'en savais rien, j'étais incapable de savoir ce que je ressentais exactement à cet instant précis, tout se mélangeait dans ma tête. Je bus la fin de mon café d'une seul traite et me retourna à nouveau vers Sarah. Si j'avais du mal à l'oublier, je ne devais absolument pas lui montrer. J'étais un grand garçon, et c'était pas une fille qui allait me démoraliser hein ? Ou pas. Je lui souris.

- Qu'est-ce qui t'amène dans la région ? Tu vas ... Tu vas venir enseigner à UCLA ?

Je pense que je n'aurais pas pu rêver pire situation. Comment finir de l'oublier si elle se baladait tous les jours sous mes yeux ? Et comment recommençait une nouvelle vie avec son regard sur moi ? Je n'imaginais même pas ce que ça allait devenir. Et Cécilia qui venait de faire son apparition ... Tout allait bien ... Parfaitement bien. Hum.

- Si jamais tu as besoin d'un guide ... Je commence à plutôt bien connaître cette ville désormais.

Je savais qu'arriver dans une ville seul, ce n'était jamais facile. Je n'étais trompé de nombreuses fois avant de trouver mon chemin du premier coup. Aujourd'hui, je connaissais même des raccourcis bien pratiques aux heures de pointe.

J'avais toujours du mal à réaliser que Sarah était là, devant moi alors que je ne l'avais pas vu depuis qu'elle était venue récuperer ses affaires dans notre appartement. Depuis, j'avais pris soin d'éviter les lieux qu'elle fréquentait, ou la rue qu'elle habitait afin d'être sûr de ne pas la recroiser. Et là, sans que j'ai rien demandé à personne, elle se retrouvait là, dans MA ville. Oui, c'était ma ville, j'étais arrivé avant elle quand même. Est-ce que j'étais contente qu'elle soit là ? Je n'en savais rien. Y avait plus aucune connexion dans mon cerveau à cet instant précis. Je lui demandais ce qu'elle était venue faire ici.

- Eh bien Noam, mon copain vit ici alors c'était l'occasion de descendre et comme je suis à présent diplômée de littérature. J'ai voulu enseigner ma passion à des petits jeunes aussi passionnés que moi. Par chance UCLA avait besoin de ce poste donc me voilà aujourd’hui et toi alors que fais-tu dans cette belle ville qu'est Los Angeles ?

Noam. C'était donc ce gars-là qui avait pris ma place près d'elle, dans ses bras, dans son lit, et surtout dans son coeur. Je ne savais absolument rien de ce garçon à part qu'il m'avait pris ma copine et la femme que je pensais être la femme de ma vie. Tout en sachant que Sarah avait déjà quelqu'un. Je ne savais pas ce que ce type avait dans le crâne, mais bon, je ne savais même pas ce que je pensais de lui. J'aurais du le détester, le haïr, rêver de lui exploser la tête contre un mur. Mais non. J'étais juste vide de toute émotion à cet instant précis, comme si je ne pouvais plus ressentir quoi que ce soit.

- Je suis professeur de cinéma ici. Depuis le début de l'année dernière en fait.

Et si ce n'était sans doute pas le mot le plus approprié, je m'étais plutôt bien intégré ici. J'avais rencontré quelques personnes très chouettes, et j'avais des élèves que j'adorais. Mon boulot me plaisait énormément et j'avais découvert en Los Angeles la ville parfaite pour essayer de me lançer une bonne fois pour toute dans le cinéma. Et oublier Sarah. Enfin, était la ville parfaite pour oublier Sarah. Maintenant, mon passé me rattrapait au galop. Pour éviter de passer pour l'homme démoralisé qui n'avait jamais réussi à totalement s'en remettre mais que j'étais réellement, je lui proposais d'être son guide dans cette ville. Après tout, cela ne m'engageait à rien, et j'avais même pas besoin de rencontrer son petit ami. Je n'avais pas vraiment envie de le voir à vrai dire. Et je ne voulais pas repasser tout mon temps avec Sarah non plus. Je savais que le risque de tomber amoureux n'était pas loin.

- Tu ne sais même pas à quel point tu peux me sauver la vie en faisant ça. Rien que ce matin j'ai mis une heure pour arriver alors que j'habite Summit Drive.

En parlant, elle s'était légèrement rapprochée de moi. Je pouvais même sentir son parfum désormais. Le même depuis que je la connaissais, elle n'avait pas changé apparemment. J'avais aimé ce parfum, je l'avais chéri, je lui en avais offert même. Tous mes souvenirs remontaient à la surface, ça faisait vraiment un drôle d'effet. Ca me faisait tout aussi bizarre de la voir heureuse, heureuse sans moi. Après tout, depuis que je la connaissais, j'avais toujours eu la sensation d'être celui qui la rendait heureux, celui qui la faisait rire et sourire. Là elle était heureuse ... Mais sans moi.

- Gabriel.. Je peux t'enlacer ?

Au début, sa question me surprit. Elle m'avait quitté, elle en aimait un autre. A quoi cela pouvait bien lui servir, à part me faire du mal ? Elle devait bien se douter que j'avais mis du temps à faire mon deuil, alors pourquoi enfoncer un peu plus le couteau dans la plaie. Mais en même temps ... J'avais la sensation que cela pourrait me faire du bien. Ce pourrait être comme faire un deuil, passer définitivement à autre chose. Après tout, cela ne me coûtait rien, et puis il n'y avait encore quasiment personne à cette heure de la journée dans la salle des professeurs. Amber ne pourra pas faire de commentaires, encore heureux, elle n'en loupait jamais une d'habitude celle-là. Je souris péniblement à Sarah.

- Euh oui ... Je n'y vois aucun problème.

Pour le moment. Doucement, je me rapprochais d'elle et la pris dans mes bras, comme je l'avais fait si souvent auparavant. J'avais oublié son corps si frêle, si fragile, mais si fort à la fois. J'avais oublié tellement de chose. Ou du moins, j'avais essayé de les enfouir sous tout un tas d'autres choses pour tenter de les oublier. Mais en la prenant dans mes bras, j'avais tout fait remonter. J'avais cru que la prendre dans mes bras m'aiderait à faire le deuil ? Non, et c'était plutôt tout le contraire. Cela m'avait surtout aider à me rendre encore un peu plus mal. Après quelques petites secondes, je la relâchais rapidement, un peu gêné. Je regrettais déjà d'avoir accepté.

- Et sinon tu ... Noam va bien ?

Est-ce que cela m'intéressait réellement ? Non, sans aucun doute non. Je ne connaissais cet homme ni d'Eve ni d'Adam et j'avais en plus toutes les raisons du monde de le détester. Mais après tout, je ne voulais pas qu'un vide s'installe dans la conversation, j'aurais eu l'air plus que gêné.